Sunday 23 October 2011

SAMIR KASSIR ET LE PRINTEMPS ARABE


Des rives de la Seine aux bords de la Méditerranée, et des Palestines emmurées aux cités soulevées de Syrie et d’ailleurs, le nom de pionnier et d’intellectuel qu’on associe le plus spontanément au Printemps arabe est celui de Samir Kassir, lâchement assassiné en juin 2005 et qui a prêté son plus beau visage à la Révolution du cèdre. « En quête du printemps de Damas » en 2000, au cœur des manifestations de Beyrouth en février et mars 2005, il relie entre elles ces « stations » et en montre l’unité en marche. Il est temps d’énumérer les principaux points de son legs vivant:

1. Le courage intellectuel et moral, le refus par cet amoureux de la vie, de toutes les peurs jusqu’à la séduction par la mort même.

2. Le droit, le devoir de se révolter contre des régimes iniques, tyranniques, sanglants, mafieux qui forment autant d’insultes à l’intelligence, à la raison, aux lumières, aux droits de l’individu et des peuples. Fi donc de leur mensongère idéologie de Résistance et de la manne de 4 sous distribuée à leurs clercs, intellectuels ou politiques!

3. La tâche n’est pas, pour l’intellectuel, de remplacer les soulèvements en cours, mais de s’en faire l’écho, d’en affiner les analyses, d’en réduire les contradictions, d’en assurer l’unité, d’en accroître la portée. Plus qu’aucun autre, Kassir militant a cherché à renouveler les slogans de «Beyrouth 05» et à leur assurer la modernité de la médiation. Il aurait aimé, de ce regard complice et un peu hautain, ce qui ira plus loin sur sa propre voie, en 2011.

4. Samir n’a pas seulement perçu l’unité organique de 3 pays, de 3 Etats et de 3 révolutions, le Liban, la Syrie et la Palestine, il l’a vécue dans sa chair et ses rêves comme dans ses combats. Il en a tâté les déséquilibres et les contradictions, n’épousant pas constamment le même point de vue, mais restant toujours ancré dans l’idée d’une harmonie nécessaire et à portée de la main.

5. Cette unité, intégrée dans son espace culturel et politique, ne se confine pas dans un héritage clos, encore qu’il fût glorieux au-delà même de ce qui est habituellement connu. Dans leur ambition de redevenir un sujet et un acteur de l’histoire, les Arabes s’accommodent de toutes les ouvertures : la modernité, l’Occident, la francophonie… Ils l’ont déjà fait sur divers plans et ils continueront à le faire, préjugés écartés.

6. L’une des facettes du courage intellectuel de Samir Kassir est son option pour une éthique de la responsabilité à l’heure où il est si facile pour le commun de se morfondre dans une éthique de la conviction : la question palestinienne est juste, mais cela n’est pas une raison pour qu’elle vienne à bout des Palestiniens.

7. Partisan indéfectible des libertés et adepte de la modernité, Samir Kassir n’a jamais renoncé à un cœur de gauche qui garde dans sa ligne de mire la justice sociale et n’oublie pas les déshérités de la Terre.

Courage et générosité, droit et devoir de se révolter pour se retrouver sujet de l’histoire et possibilité de l’être, telles sont les principales leçons de cet acteur qui ne cesse d’accompagner les ennemis de toutes les injustices et de les inspirer.

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