Wednesday 2 November 2011

UNE AMITIÉ ESSENTIELLE: LE PEINTRE & LE POÈTE


Mohammad El Rawas, Antoine Boulad : Faiseur de réalités, Maker of Realities, (traduction anglaise de Mishka Mojabber Mourani), 2011, Beyrouth, Éditions

A. Antoine.

On a beau renoncer au slogan soixante-huitard : « Sous le pavé, la plage ! », on le retrouve avec surprise et bonheur en ouvrant ce livre et en le feuilletant. L’austère couverture havane portant le titre de l’ouvrage et le nom des auteurs en marron est d’une rigueur janséniste. Mais à voir les luxuriantes œuvres du peintre reproduites à l’intérieur sur papier couché, on est vite immergé dans l’enchantement des formes et couleurs, dans la perpétuité des arts plastiques et ce que l’artiste appelle leur « exploration, manipulation, réarrangement ». Les poèmes inspirés, doublement inspirés par la muse et les œuvres récentes de Rawas, à Antoine Boulad tracent le pont entre les deux bords : sans excès de lyrisme, ils cherchent avant tout la justesse et l’adéquation. Ils recréent, dans et par les mots sincères, accueillants et précis, le monde de l’artiste dans sa complétude comme dans les créations prises une à une. A preuve le titre, à preuve l’incipit, tout d’art et de vérité :

Le strict nécessaire

Le monde entier des choses.

Cet artifice de la poésie retenue rejoint, mais aussi révèle, une dimension fondamentale de l’art de Rawas : sous la profusion des formes, des dé-formations et re-formations, derrière l’enchantement des couleurs et des teintes, à travers le vaste échantillonnage de l’histoire de l’art et de la peinture, une rigueur implacable, un travail tout d’exigence et de contrainte, la tentative toujours reprise de déplacer ou pousser plus loin les esquisses des prédécesseurs, dieux compris. « Tu soumets la vie à une injonction d’harmonie », écrit Boulad.

L’amitié de Mohammad El Rawas et d’Antoine Boulad date, nous est-il dit, de plus d’un quart de siècle. Cet ouvrage, cette réalité faite, la scelle souverainement pour le bonheur des amateurs de livres, d’art et de poésie.

L'Orient littéraire, vendredi 28 octobre 2011

2011: POUR DES ASSEMBLÉES CONSTITUANTES



Afin de fonder un État de droit à l’ère de la souveraineté populaire, une assemblée constituante élue au suffrage universel paraît être la voie royale pour élaborer et voter la loi organique. La constitution pourrait être préparée par des commissions et soumise ultérieurement à un référendum, mais les représentants des divers partis sont seuls à pouvoir établir le consensus légitime.
Dans « l’Orient compliqué », les choses ne sont pas aussi simples. À supposer neutralisées par un contrôle international violence et fraude, la question se pose : quelle loi électorale pour choisir les Constituants ? Seule une loi complexe prenant en compte la représentation des minorités religieuses, nationales et linguistiques sans léser la majorité et ne mettant pas en péril l’efficience du régime à naître est la bienvenue. Mais quels Sages, quels Clisthène(s), quels De Gaulle(s) pourront lui donner le jour ?
Autre problème : et si des élections libres donnaient le pouvoir à des ennemis de la liberté, de l’égalité et des droits de l’homme, à un courant qui obstrue toute alternance ? N’est-il donc pas légitime de se méfier d’un peuple trop longtemps opprimé, donné en pâture aux intégrismes et dont les organisations et les élites ont été continuellement décimées. Hitler lui-même est venu au pouvoir par la voie électorale à l’heure d’une crise économique pointue et d’une république parlementaire impotente.
Le printemps arabe a donc, lors même où l’Occident démocratique souffre de plus d’un mal, à répondre à des défis qui ne lui sont pas seulement propres, mais qui pourraient grever l’avenir de toutes les sociétés humaines.
L'Orient littéraire, les mots de la liberté, Vendredi 28 octobre 2011