Thursday 5 January 2012

LA SYRIE SOYEUSE



On en a choisi une, on aurait pu choisir une autre, mais c’est l’ensemble des photographies de La soie et l’orient qu’il faut voir et toucher pour s’imbiber de l’atmosphère de ce livre, pour se faire un délice de son tissu, pour en palper la soie.
Il s’agit certes de la matière noble en général, de ses origines chinoises, des latitudes qui réunissent les conditions climatiques nécessaires à la culture du mûrier et de l’élevage du ver à soie, des routes qui la conduisirent par la Perse vers la Méditerranée. Et on y apprend foule de choses puisées aux meilleures sources sur le sacré, le pouvoir, l’Islam, les peuples, les rites funéraires, les points de rupture, de passage et de réconciliation entre les civilisations…Mais l’ouvrage, son texte riche et ses photographies soignées, est tout entier un chant d’amour à la soie syrienne ou mieux, à la Syrie soyeuse. Cette contrée médiane, ouverte, accueillante, diversifiée, laborieuse, intégratrice, ayant un sens presque inné des puretés et des mélanges est présente ici par ses régions, ses familles (les Mézannar, les Moussalli…), son pluralisme foncier, son savoir faire, ses artisans, ses procédés, ses villes habitées depuis l’aube des temps (Damas en particulier) et ses contrées rurales, ses fabriques, ses églises, ses monastères et ses mosquées, son histoire, ses termes usuels dûment répertoriés(« les mots de la soie »), ses poètes et ses grands auteurs…Grâce à ce livre, on peut mesurer ce que la lumière de la soie peut apporter à la perception concrète de la Syrie.
Les derniers mots de l’ouvrage parlent de la soie « comme un mirage apparu sur la terre de Syrie » et qui « peu à peu, s’évanouit ». Ce pessimisme est-il de mise après la fermeture de la dernière filature des montagnes, celle de Dreikich en octobre 2008 ? L’heure est certes à la plus profonde circonspection, mais La soie et l’orient nous a appris que le secteur qui ne cesse de mourir depuis le début des années 1960 en raison d’une politique de nationalisation étriquée (et d’une conjoncture mondiale difficile) ne cesse aussi de revivre grâce à une importation et une exportation de soies clandestines. On peut faire confiance à la vitalité du peuple syrien, dans un régime démocratique, pour persévérer dans une industrie qu’il enrichit et qui l’enrichit.
Florence Ollivry: La soie et l’orient, photographies de Rima Maroun, Rouergue, 2011, 192 pp.

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