Tuesday 28 June 2016

LE PRIX MICHEL ZACCOUR DÉCERNÉ EN 2016 A AMAL MAKAREM






Mesdames, Messieurs
Chers amis
        Le prix Michel Zaccour, dans l’esprit du journaliste  et homme politique dont il porte le nom, et à l’unanimité du jury, est décerné en l’année 2016 à Madame Amal Makarem pour son journal Paradis infernal  paru en 2015 à L’Orient des livres.  
Michel Zaccour fut de très courte vie (1896-1937). Mort subitement à 41 ans alors qu’il venait d’être nommé ministre de l’intérieur du premier gouvernement d’union nationale sous le traité franco-libanais encore à ratifier et qui ne le sera jamais par le parlement français, Michel Zaccour  eut une existence chargée et salutaire. Il fonda le périodique Al Maarad (1921-1936) qui fut un grand journal d’information et de combat politique et social, sans parler de la place qu’il donne aux Arts et surtout aux Lettres. Il ne cessa de lutter pour un Liban indépendant et dans ses frontières actuelles, ce qui était une gageure dans les années 1920 et 1930. Elu député du Mont Liban à 2 reprises en 1929 et en 1934, il sut « malgré sa francophilie » et après avoir affronté les gouverneurs français du Grand Liban, exiger des hauts commissaires le rétablissement de la Constitution suspendue en 1932, ce qui contribua à la naissance de l’esprit destourien et mena à l’indépendance de 1943.
Madame Amal Makarem est elle aussi de bien des combats justes, notamment pour les droits de l’homme et du citoyen. Dans les années 1994-1999, elle a créé et dirigé Houqouq AnNass, un supplément du quotidien Nahar  pour la défense du droit et des justiciables. Puis elle chercha, avec d’autres intellectuels, à ouvrir le dossier colossal de la mémoire de la guerre pour favoriser une réconciliation profonde entre les Libanais. Mémoire pour l’avenir, dit l’adage.
Le prix Michel Zaccour lui est décerné pour ses journaux de guerre intitulés Paradis infernal, un oxymore très simple, trop abrupt pour un livre tout en fluences et subtilités.  Journaux perdus, retrouvés, fragmentaires, substantiels  portant essentiellement sur les années 1975-1976, mais aussi sur 1989. Ici même le début de la guerre du Liban a, suite au style d’Amal, la magie des aubes et des seuils.
La force de l’ouvrage vient de la conjugaison de faits historiques relatés dans leur vérité et un vécu sentimental et politique déployé dans sa complexité et ses intimes convictions. Avec candeur, intégrité et pureté, Amal Makarem narre son combat et les multiples résistances qu’il affronte ; elles ne se trouvent pas seulement dans le camp ennemi mais dans sa propre famille, sa propre communauté, des loyautés ancestrales. Contre une violence aveugle, des causes à la fois justes et injustes, fondées et barbares, l’auteure, sans concession aucune, réussit à rester d’une légèreté exquise, ce qui la rend glissante, fantomatique, insaisissable et néanmoins d’une intense présence.
             C’est la tension, ou plutôt l’absence de tension, entre ces multiples jonctions qui fait d’Amal, en désaccord avec tout et tous, du père, au frère, au bel ami, à la communauté druse dont elle est issue, au camp politique (la gauche) auquel elle adhère, leur complice. « Etrangeté et familiarité » écrit-elle quelque part. Le tout saupoudré d’humour.

Le témoignage sur ces commencements de la guerre toujours repris ne tient pas seulement à sa vérité et sincérité. Il tient aussi à une expression toute de spontanéité et de fraîcheur! Quasi una fantasia,  dirait le musicien. Libre fantaisie et sombre réalité, dirons-nous !

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